Des kilomètres, à courir à travers champs, sur les sentiers perdus, sur ces chemins connus de ceux qui avaient passé presque dix vies sur ces terres. Une course folle, qui ressemblait à celle d’hier, et celle des jours précédents, qu’elle répétait sans la moindre lassitude. Car cela faisait partie du contrat, cela faisait partie du job et se dépenser de la sorte lui permettait de garder les pieds sur terre. De rester entière et de ne pas se perdre dans toutes ces histoires sordides que le boulot lui donnait à voir. Ancrée alors dans le réel, dans la normalité, pour ne pas oublier que le monde n’était pas complètement noir et les gens complètement détraqués.

Elle avait couru des heures, comme elle le faisait toujours avant de partir en direction de son lieu de travail. Une douche et des vêtements propres pour ensuite se rendre au poste de police, la mine sérieuse et sévère. Avec, sur le chemin, un passage par le café du quartier pour approvisionner tout le monde en boisson énergisante. Habitude qu’elle avait prise à la capitale, pour mettre tout le monde sur un même pied d’égalité dès le début de la journée. Elle savait pertinemment que cela n’avait pas l’effet escompté sur tout le monde mais au moins, elle avait son americano pour commencer sa journée.

Un « bonjour » général à son arrivée, comme toujours. Rituel mis en place par ses soins car un quotidien sain lui était nécessaire. Les gobelets sont déposés sur les bureaux de chacun, des signes faits à ceux se montrant le moins réfractaire à sa présence. Et un sourire au dernier arrivé dans l’équipe, lui toujours légèrement caché derrière son écran. « Salut Subin. Je t’ai pris un latte. » une pointe de douceur pour compenser la noirceur des affaires sur lesquelles ils travaillaient.