comme un air de déjà-vu, alors que les pas la menaient vers ce café qui n’avait pas bougé d’un pouce. des souvenirs par dizaine, la faisant à la fois sourire et se sentir nostalgique d’une époqui qui lui semblait si lointainte. des images qui défilaient sous son regard attentif, dans les recoins de son esprit qui gardaient ce qu’il y avait de meilleur à Ulleung. des rires et des jeux, des moments de complicité qui avaient fait de sa vie quelque-chose bien loin d’un véritable calvaire. grâce à la présence de quelques êtres qui n’avaient pas pris la peine de juger sa personne. les lèvres de la jeune femme s’étirèrent en un sourire mélancolique, cette vie semblant si loin après tout ce qu’elle avait vécu. tout ce qu’elle avait vu. les années l’avaient changé, en bien ou en mal, elle ne saurait réellement le dire. elle espérait secrètement qu’elle avait pu grandir et ne plus se sentir oppressée par cette atmosphère qui régnait. mais il fallait croire que rien ne pouvait changer complètement.

une place qu’on lui offrit à une table donnant sur la mer, de nouveaux souvenirs revenant à la surface, portés par les vagues et l’écume qui naissaient sous ses prunelles. un autre sourire, plus doux cette fois, vint se dessiner sur ses traits tandis qu’elle contemplait avec un plaisir certain cette vue qui l’apaisait toujours. là était sa place, en réalité. elle le savait pertinemment, même si trop souvent, bon nombre d’indigents aimaient rappeler à Sieun qu’elle n’était pas assez comme il faut à leurs yeux. elle serait telle qu’elle l’entendait, c’est ce qu’elle ne cessait de se répéter. et en présence de l’ami qu’elle attendait, elle savait qu’elle pourrait être complètement elle-même. les yeux se tournèrent alors vers l’entrée du café, un sursaut la prenant tandis qu’elle l’apercevait enfin. un sourire immense, son bras se levant pour lui faire signe, pendant que la joie se faisait toujours plus grande dans ses veines. “ Par ici ! ” à des retrouvailles qu’elle n’attendait plus de voir arriver.

le chemin n’a pas changé, malgré les années.

c’est peut-être à l’image de l’île - malgré les modernités qui s’érigent et ce rythme qui s’accélère, certaines choses restent inchangées (( il ne sait pas si c’est toujours une bonne chose)). les ruelles familières ont été parcourues maintes fois ces dernières années aussi, impossible autrement sur ce bout de terre limité, on repasse constamment les mêmes paysages. et pourtant, pourtant aujourd'hui y'a comme une bouffée de passé qui l'assaille, des nostalgies qui lui prennent l'âme, il replonge dans un autre temps, où il parcourait ces mêmes rues pour aller dans ce café inchangé avec ce double perdue de vue dans la valse du temps. se remémore les gamins qu’il(s) étai(en)t, encore errants dans leurs identités, maladroits sous bien des aspects et pourtant déjà à la singularité si résonnante. ça paraît si loin, et si proche à la fois.

c’est l'impatience qui lui soulève l'estomac quand il pousse la porte et elle est déjà là, aussitôt repérée à une table, vision du passé qui le replonge des années en arrière, et l'espace d'un instant c'est presque comme s’il y était encore. l’allégresse lui éclaire les lippes dans les quelques foulées pour traverser la pièce, le coeur soulevé, et ses pas l'emportent jusqu'aux côtés de cette silhouettes familière, autrefois chérie, toujours, en réalité, et c’est ce même courant d’euphorie qui le pousse sans une réflexion à passer un bras autour de son corps dans une embrassade rapide. “hey ! ” aussitôt relâchée comme dans un rétropédalage, le temps écoulé sans se voir qui le rattrape, peut-être trop long pour ces affections familières. shin lui-même peu habitué à ces effusions, il s’est laissé s’emballer par l’instant.
il s’affale sur la chaise en face d’elle, tentant d’ignorer le malaise, mais les lippes jamais éteintes, les pupilles jamais déviées du visage de sieun comme pour en scruter les moindres lignes. “ça fait si longtemps ! je suis content de te revoir ” la réunion tant attendue.

il lui semblait avoir fait un bond dans le temps. revenue en arrière, à des heures où tout lui paraissait terriblement compliqué, amer, injuste. mais pourtant, enrobé d’une douceur certaine qui avait le don de toujours l’aider à aller de l’avant. une sensation à la fois étrange et familière qui réchauffait sa poitrine d’un feu rassurant et plaisant tandis qu’il approchait de cette table où elle s’était installée. le revoir après toutes ces années, comme s’ils venaient de se quitter. les mois n’avaient plus de constance et Sieun avait la drôle d’impression qu’elle avait juste dit au revoir à son ami la veille. une chose qui, elle ne l’aurait pas cru, la ravissait avec joie.

un élan qui rappelait l’adolescence, un contact qu’elle n’avait pas senti depuis bien longtemps. trop court cet instant de familiarité qui lui avait terriblement manqué avant qu’elle ne reprenne place sur son siège en souriant. “ J’ai pourtant l’impression qu’on s’est vu hier. ” petit rire qui quitte alors les lèvres de la jeune femme, le regard plongé dans celui de Shin qu’elle trouve cependant différent. des appels pourtant lui ont donné l’avancée du jeune homme en face d’elle, des messages échangés entre l’île et Séoul, pour ne pas rompre le fil qui les liait avec force. c’était cependant autre chose de le voir en vrai, de voir que lui aussi avait grandi. “ Tu as l’air d’aller bien. ” souffle poussée avec douceur et joie, les mains de la jeune femme allant chercher celle du jeune homme en face d’elle pour un contact qui lui manquait tant. “ Racontes moi tout ce qui t’es arrivé. Je veux tout savoir ! ” pour renouer comme au premier jour.