le roulement incessant des eaux sur les galets, s’écrasant sans la moindre honte et se brisant avant de retourner à l’océan. ballet sans fin, qu’il ne quittait des yeux que quelques micro-secondes, quand ses paupières venaient voler ses iris fatigués. bercé par le son des roulis et des oiseaux planant au-dessus de sa tête, leurs ailes blanches les menant à des lieux, des kilomètres. libre de faire ce qu’ils voulaient, d’aller où ils voulaient. juste libres ils étaient, tandis que lui se sentait enchaîné. et le temps lui parut alors longtemps tandis que le soleil continuait sa course lente dans cette grande étendue bleue. infinie ritournelle d’une journée qui ressemblait à de nombreuses autres. beomsu restait pourtant à regarder les vagues naître et disparaitre, ne se formalisant pas des êtres parcourant ces étendues de pierre polies par les années. n’observant que l’horizon.

il les voyait par moment, ces points affrontant les tempêtes et les tonneaux. glissant sur l’eau tel des créatures marines, enfant de Poséidon. fascinant et fascinés par ce danger qui les guettaient à tout moment. il essaie, pourtant, de ne pas les fixer trop longtemps, trop insistement. de faire comme tout autre pourrait faire, observer sans réellement voir. habitude tenace dont il n’arrivait pas à se débarrasser, creusant dans son estomac un trou lui occassionnant de trop grandes douleurs. et la terreur venait par moment lui coller à la peau avant qu’il ne se reconcentre sur les vagues et les oiseaux. ne pas voir. ne rien voir.

il fallait cependant croire que le ciel ne voulait pas lui laisser de répit. lui qui avait finalement décider de rebrousser chemin, de quitter la plage pour rentrer. peut-être que sa tante serait contente de voir qu’elle avait quitté la maison quelques heures, lui permettant de s’enfermer à nouveau loin du monde. il n’aurait jamais cru que l’on viendrait l’interpeller. un regard alors, vers ces garçons sortis des yeux, leurs planches tenues du bout des doigts. Beomsu n’eut qu’une grimace à leur offrir, refusant d’un mouvement de tête de les accompagner, à la fois impressionné et intimidé. et l’effroi alors, glaçant dans ses veines, alors que l’un d’entre eux s’autorisait à attraper sa manche pour la tirer. effet immédiat. faire un pas en arrière, récupérer son bras pour le tenir contre lui, la mâchoire serrée, le souffle court. et dans les yeux le reflet d’une profonde horreur. “ Je vous interdis de me toucher ! ”

ulleung est fidèle à elle-même ; brise qui souffle sur les plages, agite la mer pour le plus grand plaisir des amoureux de l'eau et du surf. tu l'aimes, toi aussi, l'océan. mais définitivement pas assez doué pour dompter les vagues qui s'échouent un peu plus en contrebas. pas assez courageux pour affronter la température trop fraiche de la houle. te contentes de longues balades sur les galets, à profiter du soleil qui apparaît de temps à autres, derrières quelques nuages. vent frais qui glisse contre ta peau, la fait parfois frissonner. mais sur la terre ferme ; tu n'es pas de ceux qui meurent de froid. toujours chaud. aujourd'hui encore.
tes pieds frappent parfois dans les galets, pour les déplacer de quelques mètres.
perdu dans tes pensées, perdu au fond de ton esprit ; de ces rencontres récentes, de ces discussions et autres flirts. perdu dans ton éternel tumulte. instagram ; ton avenir. reprendre le restaurant ? peut-être bien. ou pas. tu n'en sais rien. la cuisine c'est ta passion, mais c'est tout. la cuisine, tu n'as jamais songé à en faire ta vie. et pourtant ? quoi d'autres ? quoi d'autres. bon à rien quand on y pense ; pas de diplôme, pas grand chose qui compte pour se faire une place dans la vie. mais celle ci te convient. alors tu essayes toujours de ne pas trop te faire de soucis.

— je vous interdis de me toucher ! voix qui s'emporte dans le vent, porte la contestation. tu fermes les yeux quelques secondes, avant de t'approcher d'un petit groupe. garçon qui ne semble pas être heureux de la présence des autres, sa manche accrochée dans les doigts d'un autre. sourcils froncés, un instant seulement. — il vous a dit qu'il ne voulait pas être touché. ta voix porte elle aussi, alors que tu t'approches. main au fond des poches de ton pantalon. — vous n'avez rien de plus intelligent à faire ? tu ajoutes, le regard plus sévère. tu n'aimes pas ça ; jouer de ton âge. mais parfois, c'est satisfaisant. petit groupe qui déguerpi rapidement. ton regard posé sur le brun à tes côtés. — ça va ? tu questionnes simplement, essayant de lire sur son visage une réaction ; n'importe laquelle.

le coeur battant trop fort, souhaitant s’extraire, partir, courir par les chemins pour ne plus jamais être blessé. et un retour en arrière, violent et douloureux, pendant que d’autres voix se surperposées aux leurs. et il avait l’impression que rien, non rien, n’avait changé. ils étaient tous les mêmes. des bougres d’imbéciles qui ne pensaient qu’à leur pomme, ne voyaient pas plus loin que le bout de leurs nez. ne se rendant pas compte des dégâts qu’ils pouvaient causer. et il se retrouvait face à eux, la peau comme brûler par ce contact forcé. qu’ils disparaissent, qu’ils s’en aillent juste. qu’ils le laissent tranquille, une bonne fois pour toute.

il fallut la voix d’un autre, d’un regard pour qu’enfin, ils prennent la poudre d’escampette. il avait pu les entendre pester, contrariés qu’on les dérange de la sorte. comme si on venait de leur retirer un jouet qu’il avait trouvé. et l’estomac se serra davantage, les lèvres crispées alors que ses doigts tenaient son poignet. les ongles plantés dans la chair. et les yeux restèrent plantés sur le sol, ne voulant pas voir, ne voulant rien affronter. attendant que le cauchemar cesse.

puis vint une pointe de douceur, le sortant de cette bulle d’angoisse et de mal-être. portée par la brise, accompagnée par le cri des oiseaux, Beomsu perçut cette voix non loin. il ne put cependant tourner complètement le regard vers lui, le myocarde battant toujours à une vitesse folle. puis arrivèrent les larmes, tombant de ses joues sans contrôle avant que ses jambes ne se rompent sous son poids. de nouveau un ado, aux portes d’un monde qu’il ne souhaitait pas affronter.

rires qui s'enfoncent dans le vent, s'éloignent de pas pressés de ce groupe de jeunes adultes ou bien d'adolescent ? visages fins de bambins qui ne le sont plus. moue prononcée sur le visage, alors que le groupe s'enfui enfin. attention attrapée par le brun à tes côtés, que tu observes d'un visage plus neutre, presque doux. presque inquiet, au fond. ça va ? s'en assurer, même si tu te doutes que la réponse sera positive, alors que toute sa posture hurle le contraire. non, ça n'a pas l'air d'aller. mais tu ne peux pas forcer les gens à se confier à toi. même si une part de toi aime ça, prendre soin des autres.
mais ça, tu ne t'y attendais pas.
les larmes qui mouillent ses joues, ses genoux qui ploient sous le poids de son corps. tu t'approches un peu plus, le rejoint sur les galet sans oser le prendre dans tes bras. — hé, tout va bien, t'en fais pas. tu souffles doucement ; désolé de le voir dans cet état. tu te doutes que ce n'est pas la première fois que ça arrive. lèvres pincées un bref instant, tu hésites doucement avant de glisser brièvement une main dans le haut de son dos. — allez, viens. je connais un restaurant pas loin, je t'offre un bol de ramen. tu verras ils sont réconfortants. tu ajoutes, sans le forcer néanmoins. — où juste un verre d'eau. tu proposes, ton regard détaillant sa silhouette. ta main que tu récupères, que tu plonges dans les poches de ton pantalon. — comment tu t'appelles ? tu questionnes, persuadé que la silhouette face à toi s'étend dans l'adolescence ; que le jeune homme a pourtant déjà quitté.

le monde semblait chavirer, ne laissant rien d’autre qu’un tourbillon de couleurs mêlées, de sons brouillés. derrière le rideau des larmes qui ne voulaient cesser, continuant leur course folle jusqu’à son menton, s’écrasant sur ses genoux et les galets sous ses pieds. pour le faire revenir des années en arrière, dans un claquement de doigt. et dire qu’il faisait pourtant tout ce qu’il fallait pour ne plus revivre ça. et dans cette bulle d’effroi et de mal être, il ne remarque pas la présence d’êtres s’inquiétant pour lui. il faudra des secondes, longues comme mille éternités, quand la main du jeune homme vint se poser contre lui. un sursaut, violent, son corps se reculant presque d’un bond quand il refit face alors à la réalité qui était leur. un soupir, profond, pendant que les lèvres se pinçaient sous la honte et le désarroi. encore et toujours, à n’être qu’un ramassis d’instants brisés.

“ Ça va… ” une réponse abrupte, qui ne reflétait pas la réalité. les larmes ne cessaient de couler, comme propre maitre de leurs destins. Beomsu les essuyait pourtant, tentait de les chasser. en vain. difficile de faire face au garçon qui se tenait près de lui, la méfiance se mêlant à l’envie de disparaître. “ Je… je sais pas… ” des secondes encore, à renifler et essuyer les sanglots avant que la tâche ne soit abandonnée. une grimace se dessina sur les lèvres de Beomsu qui restait recroquevillé, attendant que le gros de cette vague d’angoisse passe. “ Beomsu… je m’appelle Beomsu. ” peu sûr que ce soit intelligent de donner son nom à un inconnu. inconnu qui l’avait aidé, certes, mais les voix dans sa tête lui répétaient de rester sur ses gardes. toujours, tout le temps. juste au cas où. “ Et toi, t’es qui ? ” pour ne pas changer de ses airs d’adolescent aigri.

démuni face à la silhouette qui s'est laissée coulée sur les galets. jeune homme qui te semble plus que perdu ; que tu ne peux pas laisser comme ça. définitivement pas. tu t'accroupis doucement à sa hauteur ; une main qui glisse sur son épaule. brève. un sursaut qui secoue les épaules du brun, tu éloignes tes doigts, petite moue sur les lèvres. tu ne sais quoi penser de l'instant, de la situation. — ça va... tu hoches tout doucement la tête. tu n'es pas certain de ça.
mais tu n'insisteras pas plus face au brun. tu glisses une main dans tes cheveux,
tu l'observes chasser les larmes de ses joues. — je... je sais pas... proposition lancée de lui offrir un repas chaud. où, au moins, un verre d'eau. méfiant ? au fond, il a bien raison de le faire. petite moue sur les lèvres, tu hausses un peu les épaules. tu fais un petit pas en arrière, redressé, ne voulant pas te montrer ... trop envahissant. tu quitteras les lieux s'il te le demande. tu lui demandes finalement son prénom.

— beomsu... je m'appelle beomsu. et toi, t'es qui ? tu glisses une main dans ta nuque. — je m'appelle jiaoxian. tu souffles, doux. tes mains s'enfoncent dans les poches de ton pantalon. le vent frappe contre tes bras ; mais il n'est pas déplaisant. tu observes l'océan, pas si loin de vous, te perdant un instant dans les vagues qui s'écrasent sur les galets. — tu connais le tse yang ? ça appartient a mes parents. tu expliques doucement. — ma proposition tient toujours, si le cœur t'en dis. mais je peux aussi te laisser tranquille. tu lui proposes simplement. parce qu'il y a parfois des moments dans la fiche, où l'envie d'être seul est plus importante. et si c'est le cas de beomsu, tu le respecteras.