" tu dors ? "

des lettres écrites sur son écran, qu'il observait par moment en se demandant si tout cela avait du sens. avant que le regard ne se reporte sur la fenêtre en hauteur, le coeur battant et les espoirs trop grands. il attendait, dans la nuit et le silence. seul être debout à cette heure. Morphée l'avait oublié, encore une fois. ou bien était-ce la faute de ces comprimés qu'il avait avalé dans la soirée ? peut-être. les questions restaient en suspend, le jeune homme ne souhaitant pas y répondre. préférant, comme bien des nuits, faire comme si tout cela n'avait pas d'importance. attendre, dans le silence de cette nuit tranquille, qu'un visage ne vienne à sa rencontre.

" je suis en bas de chez toi "

un appel de phare, quelque-part au milieu de la mer. pour rompre la solitude et peut-être, tromper les songes et les mirages. alors Beomsu attendait, avec cette impatience d'enfant qui espérait ne pas être le dernier que l'on viendrait chercher à l'école. que l'on ne l'ait pas oublié, abandonné. il savait cependant que rien de cela n'était vrai, qu'il pouvait avoir confiance, un peu. mais faire entrer correctement ces idées dans sa tête n'était pas chose aisée. une grimace vint étirer ses lèvres, celles-ci s'ouvrant pour laisser des friandises au chocolat rencontrer son palais. et il attendit, espérant secrètement que Subin prendrait son vélo pour qu'ils aillent loin du monde des hommes.

subin ne dormait pas et ses cernes se faisaient presque aussi sombres que ses cheveux dans la pénombre de sa chambre mal éclairée par son écran. les messages détonnaient sur son écran illuminé au minimum pour éviter de plus abîmer ses rétines déjà usées. après quelques instants suspendus dans un hors temps, il pouvait sentir le stress dégouliner sur son être entier pour l’envelopper de cette sensation qu’il détestait tant. son coeur compressé, sa chair comme à vif, il aurait voulu se cacher plus encore, jusqu'à ne plus être perceptible de personne, jusqu'à dissoudre son existence, l'effacer complètement et ne laisser plus aucune trace de son passage. pourtant, l’idée même le fait frissonner et le rappelle à cette réalité qui le brûle à chaque instant qui passe.

un petit effort, il pourrait très bien sortir, il n’y avait plus eu de bruits dans la maison depuis quelques heures déjà. centimètre par centimètre, il retire la couette qui avait pour but de le protéger de ses démons invisibles et se rapproche de la porte de sa chambre pour vérifier qu’aucun bruit ne lui parvient. et lorsque le silence se fait assourdissant, alors que les secondes laissent place aux minutes, il se décide enfin à prendre une veste et ouvrir la première porte qui le mènera à cet air frais étouffant. il ne prit pas la peine de répondre au message et se contenta de rester prudent, à l'affût du moindre bruit dans le calme de la nuit. seule la lune éclairait sa maison mais dès qu’il ouvrit la porte d’entrée, celle qu’il ne voit quasiment jamais, il se rendit compte que des réverbères se mêlaient à la lumière argentée de la lune pour la réchauffer d’un halo jauni. et dans ce tableau féerique, beomsu, comme un ange venu apaiser toutes ses peines. il relâche son souffle, remarquant à peine la douleur à la poitrine qui s’était pourtant faite insistante. tout allait bien, rien n’allait l’entrainer vers le fond de cette mer de désespoir. il avait sa bouée avec lui et pour la première fois depuis longtemps, il esquisse un léger sourire en guise de salutation.

des grondements, dans le coeur, pendant que le silence restait maître des lieux. comme pour lui rappeler sa solitude, enfoncer un peu plus le clou. et si... il ne venait pas ? une angoisse profonde, formant des noeuds, coupant le souffle, pendant que ses doigts se serraient sur le bidon de métal. il allait sortir... bien sûr qu'il allait sortir. et le monde continuait sa course folle dans l'univers, le laissant là sans la moindre certitude, sans la moindre réponse. avant que ne grince les gonds et ne s'entrouve la porte. le temps se suspendit, tout comme ce souffle dans sa gorge. puis revint sa respiration, soulagée et complète, face aux traits qui se présentaient devant lui. et il lui parut que le monde était bien différent.

un sourire, doux et presque enfantin, pour répondre à celui que lui tendait le garçon. à tendre alors son paquet de confiseries, partageant avec celui qui était... pouvait-il le nommer ainsi ? " Tiens. " pour briser la glace et rompre ce silence qui n'était pourtant plus si oppressant, si dérangeant. un partage pour entamer cette nuit qu'il voulait rassurante et pleine, son corps grimpant alors sur son bolide sans moteur. " On va sur la plage ? Celle à côté. Comme ça, t'es vite rentré. " à penser à lui, pour lui faciliter la vie. comme il sait que tout peut être terriblement difficile, ardamment compliqué. " Désolé de te tirer dehors comme ça mais... j'avais pas envie d'être tout seul. " par un acte purement égoïste, à vouloir sa compagnie simplement pour ne plus être solitaire. ni isolé. accompagné de quelqu'un qui comprendrait, juste un peu. " Je te paierais un dessert, promis. "

dans le monde extérieur, il avait l’impression de ne pas y avoir sa place. il tenta cependant d’effacer cette pensée parasite pour se concentrer sur la personne venue le chercher du fond de son antre. beomsu était la main tendue dans la caverne qu’était sa chambre, la lumière chaleureuse au bout de l’obscurité ; un ami venu le ramener dans son corps et l’y ancrer pour qu’il ne puisse plus fuir. le silence lui étant confortable, il ne savait s’il devait s’efforcer à parler ou rester muet et simplement accepter la générosité qui lui était tendue si gentillement. il laisse pourtant échapper un merci dans son souffle, à peine audible mais que beomsu aurait pu entendre dans le silence de la nuit.

le sucre ingéré, il se sent pris d’une émotion nouvelle, ou ancienne. si ancienne qu’elle semble nouvelle. et pour une fois, ce n’est pas la tristesse qui se loge dans sa gorge pour l'empêcher de parler, de respirer. c’est la joie, dense et écarlate, prête à s'étendre dans tout son corps et faire de lui une poupée désarticulée. d’un hochement de tête, il approuve l’idée, aussi adorable que parfaitement pensée pour ses besoins, et subin aime être égoïste, tant qu’il le peut encore, comme un enfant qui n’a pas encore l’âge d’être tenu responsable de quoi que ce soit. et il se rapproche, montrant du doigt l’engin pour le questionner, savoir s’il compte l’emmener sur ce même vélo. à défaut de parler, il peut au moins oser certaines choses. ça me va, je suis content de passer du temps avec toi. une phrase qu’il voudrait, des mots qui pourtant ne sortiront pas et laisseront simplement place à un nouveau sourire timide sur un visage blême. plus que de la timidité et du stress, il sait que parler lui demande des efforts qu’il n’est pas encore prêt à faire. et tout ce qu’il réussit à lâcher est un pauvre oui, une acceptation de tout ce qui à été dit, un souffle qui lui demande autant d'énergie que pour sortir de sa chambre et de cette maison qui fait office de bouclier contre le monde entier.

moment étrange, où deux êtres presque similaires se rencontrent. il y avait comme un redoux dans l’atmosphère, donnant l’impression à Beomsu que tout était soudain plus simple. et l’agréable sensation que ce qui se produisait maintenant était bien, et qu’il avait eu raison de sortir d’entre les quatre murs de sa chambre. il n’en faut pas plus, pas plus de mot pour que le garçon comprenne que l’autre est content de le voir, derrière cette épaisse couche sombre qui semblait toujours l’entourait. mauvaise amie qui l’accompagnait, Beomsu la reconnaissant entre mille. un petit sourire alors, pour répondre à celui de Subin qui s’approchait.

les sourcils se haussèrent soudain, le doigt pointé du jeune homme lui faisant comprendre qu’il devrait servir de chauffeur. une petite moue d’abord, un soupir ensuite avant qu’il ne lui fasse signe, un nouveau sourire étirant ses traits. “ Allez, grimpes. ” une attente légère avant de pouvoir s’envoler vers les rivages, voir la mer, entendre l’océan. une course tranquille sur les routes, dans le silence reposant de cette nuitée qui passait lentement. et Beomsu se sentait bien plus léger, accompagné. comme si, par sa présence, il réussissait faire de lui ce qu’il devait être véritablement. “ tu crois qu’un jour… ” la question resta en suspend, s’envolant au gré des courants, perdant alors de sa substance. Beomsu se demanda si cela valait la peine de demander, de se questionner sur leurs avenirs respectifs. sur si, un jour, le monde se montrera clément. était réellement important à cet instant ? et son regard se posa sur le jeune homme l’accompagnant, les lèvres se pinçant avant qu’il ne hausse les épaules. “ Oublies ça, c’est pas important. ” ce qui comptait, c’était l’instant présent.